10 août, 7h30 heure française. A l’approche de Saint-Malo, le plafond est gris et bas, l’horizon bouché. Les courants d’air balayent le pont avant désert du Bretagne, rendu brillant par la pluie. Emergeant de la grisaille, la silhouette de Cézembre se détache sur bâbord, puis la côte tout autour. Bientôt la fin du voyage, la maison n’est plus bien loin… Un matelot en cotte orange ouvre la lourde porte métallique qui donne accès au pont glissant et la bloque ouverte. Sautant la balustrade, il vient hisser à la proue le drapeau breton qui se raidit dans le vent. Puis il repart aussi vite. Qui a dit « mondialisation » ? Le temps d’écrire ces lignes, la tourelle verte du Buron défile sur tribord, au ras de la coque. Et Dinard, pas pressée de se réveiller. La maison n’est plus bien loin. Fin de la paranthèse…
La nuit précédente, nous avons planté la tente peu après Chichester, dans un grand carré d’herbe proche de la route, en annexe d’un parc à caravanes. Tout un groupe sympatique s’y est retrouvé pour faire la fête, avant de se séparer pour les vacances. Les enfants jouent fort tard avec des bâtons lumineux qui dessinent un joli ballet dans la nuit.
Le lendemain, le trajet jusqu’à l’embarcadère de Portsmouth se déroule sans encombre. Une piste cyclable longeant les quatre-voies au trafic intense nous mène jusqu’au centre-ville. Au comptoir de la Brittany Ferries, nous prenons nos places pour le bateau du soir. Il n’y a plus de cabine disponible, au grand dam de Léo.
Nous passons l’après-midi sur l’esplanade du bord de mer, au sud de la ville, près du dinosaure géant et de l’arrivée de l’overcraft – impressionnante machine. Dernier fish & chips, gras à souhait. Et, pour les enfants, quelques tours de manège dans la fête forraine. Lila essaie les grosses bulles en plastique gonflées d’air dans lesquelles on s’introduit et qui flottent sur l’eau. Elle court à l’intérieur, tombe, se relève, retombe, n’avance pas, crève de chaud… Vu de l’extérieur, c’est très drôle !
Embarquement, découverte du bateau, dîner au self, dernier petit tour sur le pont et dodo. C’est qu’on arrive tôt le matin, 6h30 heure anglaise ! Les enfants dorment tant bien que mal sur les sièges inclinés, nous on finit par terre sur la moquette.
A Saint-Malo, notre première arrêt est pour une boulangerie. VRAIS croissants, VRAIE baguette. Il bruine. On finit par s’installer pour le petit déjeuner sous les arches en pierres au pied de la tour Solidor. Quelques personnes promènent leurs chiens ou vaquent en direction des bateaux, la ville s’éveille. Puis nous voilà partis par les petites rues, les petites routes. Jolies maisons, ancien moulin à marée, cris des goëlands et haubans qui tintent contre les mât en aluminium… Nous redécouvrons Saint Malo, puis les bords de la Rance. Pour la pause du midi, le porche de l’église de Saint-Suliac nous abrite des derniers passages de pluie. Les nuages roulent et laissent passer quelques rayons de soleil. On se dit qu’on habite un beau pays. C’est agréable aussi d’entendre parler français et de comprendre à nouveau les mots échangés. D’ailleurs les enfants n’arrêtent pas de hurler : « Ils parlent français ! C’est des Français ! » Oui mon chéri, c’est normal, parle moins fort s’il te plaît… Nous traversons la Rance au petit pont du port Saint-Hubert et rejoignons enfin le chemin de halage à l’écluse du Châtelier, rendu « collant » par la pluie. Les passages de bruine continuent à se succéder, à peine assez longs pour qu’on ait le temps d’enfiler la cape. Nous finissons la journée au camping après Saint-Domineuc et à la crêperie. Flemme de chercher un champ, flemme de faire à manger, ça sent la fin !
Et c’est le dernier jour, 11 août. Nous décollons tôt et quittons le canal juste après les écluses de Hédé, pour arriver à Saint-Gilles le midi chez les parents de Pascal. A l’entrée de Saint-Gilles, nous nous pesons sur le pont-bascule de la zone artisanale. 400 kg tout compris pour tous les 4, 4 mois, 4000 km. Retrouvailles, bon repas. Nous repartons vers Vezin, le ventre plein. On va vite quand même et les 7 kilomètres paraissent bien courts aux enfants, qui avaient gardé en tête le souvenir d’une route interminable ! La maison n’a pas changé, bien sûr, à part le devant un peu en friche. Ca fait vraiment 4 mois qu’on est partis ? Les copains qui sont passés nous ont laissé des petits mots sympas, et un grand drap « Bienvenue » écrit dans toutes les langues. Ce soir on dormira dans notre lit. Demain on fera sécher les tentes et on les remisera… Allez, pour pas trop longtemps !